TABAC (SIMO)

il est tôt.
le soleil caresse les buildings, embrasse les rues encore endormies, dévore les fenêtres des immeubles. le soleil fait l'amour à la ville et elliott se déplace dans ce dédale tortueux qui la mène maladroitement à son lieu de travail. elle sait où il ne faut pas passer certains jours, parce qu'il s'y passe parfois des trucs louches. son itinéraire varie sans cesse, exploratrice urbaine.
il est tôt.
pas un bruit dans la ruelle qui débouche près de son lieu de travail. même les chats dorment. elle laisse une de ses mains osseuses fouiller dans son minuscule sac à main qu'elle a caché sous son cardiguan trop grand pour y dénicher la clé du local. elle sent ses doigts attraper le trousseau mais aussi le paquet de meurtrières. elliott observe l'heure sur la montre délicate accrochée à son poignet et elle indique six heures quarante-cinq. elle voudrait frotter ses petits yeux encore fatigués, mais ce matin, elle y a appliqué maladroitement du mascara. elle s'assoie donc dans les petites marches de béton qui mènent à la porte encore verrouillée et elle coince la cigarette entre ses lèvres. elle craque une allumette, allume ce cancer et inspire la fumée toxique dans ses poumons qui ne doivent plus être trop roses.
il est tôt,
et déjà, au loin, elle le remarque.
simo qui se dirige vers elle.

il a la démarche insouciante. la démarche d'un homme avec de grandes responsabilités sur les épaules, mais avec un étrange pas nonchalant. chaque fois qu'elle le voit entrer dans le bureau de tabac, elle a envie de tâter tout son dos à la recherche de possibles noeuds de stress ou de trop plein de ''la vie'' aux muscles et aux nerfs. elliott trouve que simo a l'air solitaire, un peu seul. ses yeux bleu eau de glacier semblent toujours tristes et les cernes sous ces derniers semblent peser lourd. quand il laisse tomber les billets et les pièces dans ses petites mains maladroites, elle peut sentir ses doigts parfois effleurer ses paumes et à bien observer les couleurs sur son visage, on verrait un coucher de soleil teindre ses joues de gamine.
simo lui a donné envie de peindre son visage.
un peu, du moins.
(elle se demande encore comment on fait, pour faire tourner la tête des hommes et des garçons. comment on fait, pour être belle et attirer les regards. elle reste souvent éveillée la nuit à penser très fort à tout ça. elle ne trouve jamais vraiment les réponses.)
la voix de l'homme s'élève dans le silence de la matinée et elliott trouve que ça lui procure la même sensation que lorsqu'elle fait glisser ses pieds nus dans l'herbe recouverte de rosée: c'est agréable.
- non... non ! c'est ouvert... je prenais juste le temps... de fumer.
la voix est timide, elliott s'enfarge dans ses mots, essaie de rattraper les lettres qui tombent trop maladroitement d'entre ses lèvres.
- vous voulez entrer tout de suite ?
elle se lève rapidement, cherchant la bonne clé pour ouvrir la porte.
ses petits doigts s'emmêlent entre eux et elle peine à la trouver.
ses joues sont chaudes,
rouges.
la cigarette brûle entre son index et son majeur et les cendres tombent parfois, effleurant la peau de sa main en offrant des baisers brûlants.