Tu roules des hanches en récupérant en vitesse ta robe, étendue sur l'une des barres de fer. Tu te rhabilles en silence, ignorant le regard qui se pose sur ton corps. Qui descend de tes épaules, jusqu'à ton bassin, jusqu'à tes longues jambes que ses pupilles claires suivent d'une tendresse sauvage. Tu fermes les yeux le temps d'un instant pour oublier la sensation qui contracte tes muscles, et alarme ton pouls. Tu oublies les insultes, tu oublies le jugement, tu oublies le regard, tu oublies la suite, tu oublies les salope qu'on se murmure dans tes pas, tu oublies qu'on te voit, qu'on t'achète, tu oublies d'être là. Et alors qu'il commence à peine à se faire tard sous la voûte étoilée, tu te hisses hors de cette pénombre, et affronte l'air frais. Eblouie par la nuit, ensorcelée par la lune, tu t'esquisses de ce petit coin de misère. En triturant les billets encore chauds sous sa paume de main moite qui te les tendait, tu avances d'un pas posé. Presque serein. Tes talons claquent sur le trottoir, mais les rues se font de plus en plus désertes. Ceux qui restent sont dans l'ombre, sans qu'une étoile ne les éclaire. Et tu as peur, car ce qu'ils sifflent sonnent comme une menace. Une tempête gronde, une amère colère surgit en toi lorsque leurs mots résonnent dans tes esprits. Tous se confondent en un tumulte. La honte te rattrape en courant, t'enlace d'abord les hanches, puis le cou, et la honte t'étouffe. Tu suffoques de honte. Mais tu restes droite, tu raplatis les pans de ta robe, réajuste ton décolleté, et balançant ta chevelure brune d'un mouvement bref, tu marches la tête haute, sans oser regarder tes cuisses souillées par le passé. La cigarette entre les lèvres, tu laisses la fumée s'emparer de ta gorge sèche. La fumée s'échappe en un souffle tandis que les cendres s'éclatent sur le sol. Coincée entre l'indexe et le majeur, elle te bouffe jusqu'aux entrailles. La nicotine t'empoisonne, et comme une conne, tu meurs d'amour.
La maison close s'étend devant tes grands yeux effarés. Tu en restes presque bouche bée, malgré l'habitude. Tu essaies de te repérer malgré les rideaux d'un tissu épais collés contre le verre, et écrasant du bout de ta longue botte de cuir la cigarette encore fumante, tu entres. Tu captes un regard. Directement, inévitablement, inébranlablement. Tu le toises. Sans dire mot, car aucun mot ne convient. Tu approches, et hésites. Avec lui, tu préfères d'abord parler avant d'extirper les billets de ta poche. Le temps semble si court que tu tentes toujours de l'allonger. Tu les enfouis au plus profond de ta veste, dans l'espoir que tout ce contexte disparaisse dans la fumée, et tu arrives enfin à sa hauteur. Tu lui souris, et t'approches encore un peu. Un petit peu pour assouvir ton désir, pas de trop pour préserver sa sincérité.
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